Amabile SIMEONI,
artiste peintre

Née à Baudour, aînée d’une famille italienne de cinq enfants, Amabile vit au Grand Hornu.
Après des études commerciales à Jemappes et à Saint Ghislain, munie d’un diplôme de secrétaire de direction, elle entre dans la vie professionnelle à Bruxelles, puis à Saint-Ghislain.
Mariée, deux enfants à qui elle se consacre avant de reprendre le travail comme secrétaire à l’Ex-RAEC MONS (club de football). Ceci lui laisse peu de temps libre pour s’investir dans un passe-temps. Elle termine sa carrière professionnelle au service Population /Etat civil de la Ville de Mons.
Les enfants grandissent. Des horaires réguliers se dégagent un peu de temps libre.
De rencontres en rencontres, elle aborde la céramique, puis la peinture à l’Ecole des Arts et Métiers à Mons, avec Michel Frappart, un professeur qui l’encourage depuis le début et Mme Roels avec ses conseils avisés. Elle fréquente des ateliers d’écriture aussi.
Pour Amabile, peindre, c’est une autre façon d’écrire un journal. Elle y met ce qu’elle aime, ce qui l’attire, ce qui la fascine et ce qui l’interpelle, ce qui fait mal…
Le thème du charbonnage ou de l’exploitation du travailleur par le capital lui tient à cœur à cause de ses origines, certainement à cause du métier de son père.
Après la seconde guerre mondiale, celui-ci a quitté Padoue pour travailler en Belgique dans fond de la mine, environ vingt ans. Il n’en a jamais parlé. Elle ne lui ai rien demandé, ce qu’ elle regrette aujourd’hui.
Si ses pensées, camouflées sous les couleurs, vous incitent à une profonde révolte contre l’injustice sociale, son but est atteint.
Quand Renée Bourlet lui a proposé d’entrer dans le groupe de MÉMOIRE BORAINE avec Antonietta Campione, cela lui a donné l’occasion de rendre hommage à son père, à son courage, à mettre en lumière sa mémoire, et celle de tous les mineurs, de la région et d’ailleurs.
Elle nous confiera: « Les mots me manquent pour témoigner ma gratitude à Renée qui a lancé la première ce projet ainsi qu’à la MAISON DES EMPLOYES et au SETCA qui nous permettent de réaliser notre première exposition ensemble. »
Je me souviens de … Adossé à l’ombre d’un arbre, un après-midi, je faisais mes devoirs, j’avais dix ans et pour ne pas perdre mon temps à étudier, mes parents me demandaient de surveiller le bétail : veaux et vaches, dans la prairie ensoleillée. J’étais à l’air libre, je respirais l’air de la campagne padane, j’avais du lait frais à boire, une ardoise sur les genoux, je révisai les mathématiques sans trop d’ardeur, me plaignant de mon pauvre sort ! Soudain quelqu’un me bouscule, il fait tout noir, j’ouvre les yeux, il fait toujours noir, la chaleur du soleil a fait place à l’humidité moite, la lumière qui inondait la prairie est réduite à la petite flamme d’une lampe, j’étouffe, je tousse, je crache. Les doux naseaux de Pompon me soufflent de l’air chaud sur l’oreille. Il me rappelle que nous sommes dans le ventre de la terre, qu’il faut continuer à piocher, extraire et charger. Mon compagnon dort encore, il doit rêver à sa campagne polonaise. Nous sommes descendus avant le lever du soleil, nous remonterons lorsqu’il sera couché. En silence, nous avons mangé nos mallettes dans la poussière, bu le café de la gourde, nos paupières se sont fermées quelques instants. Je dois le réveiller. Ensemble, nous reprenons le travail. Encore cinq heures de sueur, d’efforts, de courbatures. Sans un mot, nous continuons de piocher, extraire, produire, charger. Surtout ne pas penser, pas de grisou aujourd’hui, le canari chante, ne pas parler, ne pas respirer trop fort, ne pas inhaler la poussière, mettre le foulard rouge devant la bouche même si on respire plus mal l’air vicié, encore cinq heures avant de respirer l’air des vivants.
Qui met en lumière la statue ? Sur son socle, Henri Degorge rayonne sur le Borinage et au-delà des frontières de Belgique. Admiré, imité, paternaliste, humaniste, le nouveau Seigneur de l’ère houillère règne en maître absolu dans son fief borain. Le charbon a fait sa fortune ! Le charbon a toujours été dans les veines de la terre mère. A t’il testé l’étroitesse de certaines galeries ? Est-il descendu piocher ? A t’il imprégné chaque pore de sa peau de cette poussière noire, en a-t-il les mains incrustées ? Nullement indispensable ! Une main d’oeuvre miséreuse, bon marché et docile est à sa disposition. Monsieur Degorge lui a offert du travail, loué des maisons, organisé un service médical, mis à leur disposition des magasins alimentaires, des écoles, etc … Devant tant de générosité, les miséreux ont accepté l’inacceptable : descendre sous terre, ramper comme des rats, creuser dans les entrailles de la terre des galeries horizontales, verticales ou obliques, braver le grisou, se tortiller couchés en piochant les parois d’un caveau potentiel en une fraction de seconde, respirer, avaler la poussière du charbon et en garder les traces qui précipitent une mort prématurée, tout cela pour extraire ce précieux or noir, enrichir la bourgeoisie, et permettre à leur famille de survivre. Qui sont ces serfs corvéables, ces enterrés vivants ? De simples outils du patronat ! Sans le travail, la sueur, la vie, la mort de milliers de mineurs, d’hommes, de femmes et d’enfants, qui serait Henri Degorge ? Un bourgeois aisé, un quidam, sans intérêt, comme chacune des milliers de vies que les mineurs ont sacrifiées à sa gloire. Ce n’est pas tant la dureté du travail qui est pointée ici, mais l’absence d’une répartition plus humaine, plus respectueuse, plus sociale, plus juste des richesses engendrées par le travail des mineurs. L’exploitation de l’homme par l’homme sur l’autel du CAPITAL est superbement illustrée dans les charbonnages. Qui met en lumière la statue ? C’est bien la lampe du mineur qui met, en pleine lumière, Henri Degorge sur son piédestal dans cette magnifique cour ovale.
ça ira mieux, plus tard ! Il respire mal, il tousse, manque d’air mais il ne va pas se plaindre et continue de pousser le wagonnet dans cette haute galerie, son copain Pompon lui tient compagnie. Le chef porion a accepté de le déplacer de l’étroite galerie où il rampait, ici, c’est une place de luxe, il ne pioche pas, il est debout, il se dégourdit les jambes, il pousse un wagonnet sur rail, ce n’est pas si pénible. Nouvelle quinte de toux, il crache du sang, ses doigts s’agrippent plus fort : « Accroche toi mon vieux, continue, pense à autre chose, tiens bois un coup ». Dans sa gourde cabossée, le café froid a été mélangé au chianti. C’est fortifiant le vin ? Non. Il permet d’avancer, d’oublier que ça fait mal au milieu de la poitrine. Encore une demi-journée, quelques heures, ce soir, c’est la veille de Sainte Barbe, il ira faire la fête avec ses compagnons au bistrot. Ils vont boire, se remémorer le soleil du pays natal, ils s’égosilleront dans des chansons paillardes boraines, italiennes, polonaises, etc… Oui, ce sera une fête multiculturelle, il se sentira mieux, presque bien, jusqu’au retour à la maison, où la réalité le rattrapera, mais demain, c’est congé ! Demain, c’est congé. Il sera en famille, regardera ses enfants rire, sa femme cuisiner. Il sait pourquoi il descend à la mine, dans le fond. « Courage, mon vieux, avance ! »
Vous connaissez tous l’avenue Jules BIESMAN, cette route longue de 600 mètres qui relie Hornu à Colfontaine. Mais connaissez-vous Jules BIESMAN: « le médecin des pauvres d’Hornu » ? Ce personnage au grand cœur fût lâchement assassiné par les Rexistes, le 8 juillet 1944.
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