Violette Fleurette, auteure
Présentation de notre artiste
Violette a appris à cohabiter avec les mots, à écrire dans sa tête dès qu’elle peut s’évader en marchant principalement.
Elle fait des kilomètres à pied tout en remontant le temps ou en partant ailleurs observer d’autres vies…
Elle a compris que ça n’était pas elle mais les mots qui menaient le jeu et que les personnages ne sortaient pas de son imagination mais qu’ils passaient dans son imaginaire.
Certains s’arrêtent et ils font connaissance, ils lui livrent leur histoire au fil de leurs rencontres, d’autres font de brèves apparitions mais certains de ceux-là s’invitent parfois dans son récit.
Ils sont ses préférés car cette rencontre au départ furtive, comme parfois dans la réalité, débouche sur la découverte d’une personne ou personnage attachant.
Il y a alors une magie qui s’opère entre l’écriture et l’imaginaire. Mais après tout rien ne lui dit que ses héros n’existent pas quelque part ici, ailleurs, il y a longtemps, dans un autre espace-temps ?
Et puis, les mots viennent reprendre du terrain lorsqu’ils en ont marre de tourner dans sa tête.
Ils se précipitent, se bousculent et n’ont pas de cesse de lui envahir l’esprit tant qu’elle ne les a pas couchés sur le papier ou tapés sur le clavier.
C’est ainsi qu’en 2003, elle a écrit Poireaux bio.com, qui a été édité aux Éditions Chloé des Lys sous le pseudo d’Harmonie H et en auto édition chez Lulu.com.
Repas d’Affaire, une nouvelle écrite pour le magasin Flair qui est parue le 21 juillet 2005.
Elle a écrit des proses poétiques sur les textes d’un auteur de fanfiction sur Marguerite Duras.
Elle a écrit également un recueil de textes sur les violences faites aux femmes, c’est à cette époque qu’est née sa collaboration avec Demoizelle Doo et qu’elles ont décidé de croiser leurs univers, l’une les images et l’autre les mots.
Elles ont participé à deux expositions en 2016 et 2017, L’ART AU FÉMININ, et des lectures de ces textes les années précédentes ont été faites dans ce cadre.
En 2018, elles ont mis leurs créations au service d’une ASBL dont Violette est membre: Violences et mariages forcés.
Quelques écrits et parutions…
T’as pas 12 ans
T’as pas 12 ans
Et pourtant
tes petits seins lovés dans des push-up miniaturisés,
tes petites fesses moulées dans des culottes trop échancrées
tes petits pieds à peine formés très haut perchés
te donnent l’allure d’une femme enfant
Et pourtant
toi, t’as juste envie de ressembler à ta maman
faire claquer les talons de ses souliers trop grands
faire tournoyer sa jupe de bal pour ressembler aux princesses de Disney
faire comme si on disait que et pas comme ça pour de vrai.
T’as pas 12 ans
Et pourtant
t’es déjà un marché à exploiter,
une terre vierge à cultiver
un fruit juteux à ramasser
un bon filon pour faire son blé.
Et pourtant
ton innocence est une primeur
t’es pas encore prête à être croquée
faut pas te lâcher sans filet
te laisser te pourrir dans le panier
T’as pas 12 ans
T’es le printemps , les prémisses du beau temps
faut pas semer à tous vents
faut encore te laisser pousser
c’est pas maintenant qu’il faut te récolter
Violette Fleurette
≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈
Don’t touch
Je regarde mes pieds dans la glace.
Tu les trouves jolis mes pieds?
Et mes chevilles, tu les aimes aussi ?
Et mes fesses , elles te plaisent hein mes fesses!
Et mon joli petit cul, tu aimes le mater hein,
quand je suis dans la rue…
Et mes épaules, tu aimes aussi ?
Mes seins …c’est certain !
Moi aussi j’aime tout ça.
Mes cheveux, mes yeux, mon nez, ma bouche, mes seins, mes bras, mon ventre, mon sexe, mon cul, mes fesses, mes jambes, mes pieds…
La différence entre toi et moi c’est que mon corps c’est à moi !
Je te le montre si je veux, et si je ne veux pas tu ne le vois pas.
Et ça n’est parce que je le montre qu’il t’appartient.
Et ça n’est pas parce que je le cache, qu’il n’est qu’à toi.
Je fais ce que je veux avec mon corps.
C’EST MON CHOIX !
Don’t touch !!!
Violette Fleurette
≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈
La fête au village
Elle avait choisi sa robe fleurie, avait coiffé joliment ses cheveux, enfilé ses escarpins à talons compensés.
Elle s’était impatientée à ne pas voir les heures vite défiler, ils étaient enfin là, goûtant le tiédeur du soir à la terrasse d’un café.
Ils avaient d’abord brouillé, puis beaucoup ri…beaucoup parlé aussi et bu raisonnablement…
Elle n’avait pas voulu tout de suite lui rendre son baiser, il s’était empressé de l’inviter le soir suivant.
‘Il est très beau garçon’ avaient dit ses amies
‘C’est un gars sympa’ avaient dit ses copains.
C’était un beau soir d’été, la fête du village, il y avait un grand buffet, de l’amitié à partager
Ils avaient dansé et elle avait pensé qu’elle commençait à l’aimer…
A l’aube de l’hiver, bien avant que le jour soit tombé, elle fermait fenêtres et volets et la lumière aussi.
Les robes prenaient la poussière dans la penderie, les beaux souliers avaient été rangés dans leurs boîtes
Elle avait acheté des joggings au marché, loué des films sur sa télé, gobé du pop corn
Elle qui n’aimait pas du tout ça avant…
Les fêtes de fin d’année l’avaient conduite chez des amis, dans sa famille.
Le costume de père noël avait été bien pratique pour cacher ses bourrelets naissants.
Ils n’y avaient tous vu que du feu, trouvant seulement qu’elle avait une mine défaite et fatiguée.
Au printemps, ils avaient remarqué que son burn out s’éternisait…
C’était un soir d’été, au village la fête s’installait
Un an après la douleur n’avait pas changé, le dégoût lui remontait encore aux lèvres
Les flashs crépitaient toujours dans ses nuits cauchemardesques.
Seuls les kilos qui l’a déformaient, la rassurait des regards qui ne la convoitaient plus
Elle ne voulait plus être jolie, elle ne voulait plus être bien habillée
Elle ne voulait plus être drôle, elle ne voulait plus avoir de la conversation
Elle ne voulait plus être … tout ce qu’elle avait été .
Elle l’avait trop chèrement payé…
Ils ne savaient rien, ne voyaient rien, comblaient le silence qui suivait, les questions qu’ils lui posaient
Elle voulait crier, pleurer, hurler parfois aussi, mais tout restait à l’intérieur…
Alors, un soir elle a tout écrit, a déposé le flacon vide sur sa table de nuit
et s’est endormie…pour l’éternité…
Violette Fleurette
≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈
À vendre
A vendre, à louer, à prêter
qu’importe c’est un corps à consommer
un gagne pain de misère
c’est jamais trop cher payé.
Potiches dans les beaux quartiers
aguicheuses dans les mauvais
c’est toujours tapiner .
Au self service de l’amour tarifé
Parfois morceau de choix
la 1 ère fois d’un gamin qui n’ose pas
la belle d’un gars dont les autres ne veulent pas
la beauté du laid qui n’y a pas droit .
Souvent montrée du doigt ,
l’appât des mauvais gars
l’exemple facile des bien pensants
la bonne conscience des conciliants
l’objet parfait à instrumentaliser
Y a pas de honte, faut pas tu sais !
Y a de l’espoir , t’en donne crois-moi !
T’avais pas rêvé de ça …..
tu n’es pas que bonne à mater, à baiser
t’es une chouette nana à fréquenter .
Violette Fleurette
≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈
La femme caméléon
On la drape de toutes les couleurs pour mieux passer inaperçue
On la recouvre de pudeur pour mieux garder un semblant de vertu
On la fond dans le décor ici, là-bas pour mieux la dominer
Elle erre à travers le temps, anachroniquement
Qu’importe les continents, les sociétés, les usages,
les façons d’être et de penser.
La femme caméléon n’est pas de celles qui peut exister comme elle voudrait.
Elle est la pute, la bimbo, la potiche,
une image tronquée des meurs libérées.
On l’affiche dénudée sur papier glacé.
On la convoite tel un objet
On l’érotise pour mieux la posséder.
Elle est la fille, , l’épouse, la mère, une image édulcorée
d’un courant de pensées.
Elle est la pote, la compagne, la maîtresse, un étendard pour
croire en l’égalité.
Mais qui est-elle une fois le voile tombé ?
Une mosaïque enluminée, une toile aux riches reflets,
l’écran précieux d’une certaine féminité.
Les cheveux au vent, la robe légère en bandoulière
le cliché parfait d’une liberté assumée.
Qui es-tu la femme caméléon ?
Qu’ont -ils fait de ta raison ,de ton pouvoir de décider, de l’image que tu as envie de donner ?
Toi qu’on entend murmurer le long des murs, qui pose à peine les yeux sur l’asphalte surchauffé, qui se tait derrière les volets …
Toi qui déambule la tête haute, qui regarde dans les yeux, qui se découvre pour mieux se montrer , qui respire sans permission une totale liberté, qui balbutie le mot égalité.
Ta silhouette multifonction, kaléidoscope, sculptée au scalpel d’une imposante masculinité.
Tu es une et toutes à la fois, parce que ta cause est menacée.
Violette Fleurette
© Ces textes et photos sont propriété exclusive de Violette Fleurette et Demoizelle Doo – reproduction interdite sans leur accord explicite.